Paris-Brest à vélo — Une semaine sur les routes de Bretagne

670km en autonomie sur 7 jours

Achille Morin Lemoine
14 min readSep 18, 2022
Météo typique du séjour

Après notre aventure dans les Alpes il y a un an de cela, Paul-Henri, Louis et moi souhaitions remettre le couvert pour une expédition sportive de quelques jours. Après avoir hésité avec du kayak, notre choix se porte sur le cyclisme, puisque nous disposons déjà de l’équipement. Quant au trajet, ce sera au départ de Paris, et vers… l’ouest, parce que pourquoi pas. Et en l’honneur d’une ancienne course cycliste, et surtout d’un gâteau, autant aller jusqu’au bout de la Bretagne et rallier Brest. 670km, 7 jours sous la tente, quasiment que du plat (croyions-nous) : les vacances s’annoncent sympathiques.

Jour 1 : Paris — Plaisir

  • Distance : 45km
  • Temps d’effort : 2h10
  • Temps total : 3h
  • Vitesse moyenne : 18.1 km/h
  • Vitesse max : 37.8 km/h
  • Dénivelé : 239m
  • Calories dépensées : 1000 kcal
Le Km 0 du voyage

Nous voici donc lundi 15 août à mon appartement en train d’évaluer le matériel manquant. Une excursion chez Decathlon plus tard, nous voici fin prêts pour le départ. Nous remontons les quais jusqu’à Notre-Dame, le Km 0 officiel, et lançons les chronos. Un seul souci, l’horaire. Il est déjà 20h au lieu des 18 prévues. Ça risque d’être compliqué de monter les tentes dans le noir, mais on règlera ça plus tard. Pour le moment, direction Versailles. Les premiers kilomètres se déroulent plutôt bien, malgré la traitrises des pédales automatiques que PH n’avait jamais utilisées — et avec lesquelles je ne suis pas extrêmement à l’aise non plus.

L’obscurité tombe rapidement cependant, et nous faisons le choix de commander au Domino’s de Versailles pour nous garantir un dîner consistant. Car dans les sacoches de 17 litres maximum -et avec les tentes- la place se fait rare pour le superflu, ou même la nourriture. Nous continuons donc à avancer à la frontale et les pizzas en équilibre sur mon guidon, en priant pour qu’elles arrivent mangeables à l’arrivée.

Au niveau d’un grand rond-point, nous prenons l’entrée de la N12. Rien d’alarmant à prendre une nationale en soi, sauf que la N12 ressemble à s’y méprendre à un autoroute. Pas optimal pour des vélos et de nuit donc. Nous roulons sur la bande d’arrêt d’urgence sur 1km, terrifiés, avec les voitures nous dépassant à 110km/h. Nous prenons la première sortie en se jurant de ne plus jamais revenir sur cette route. L’itinéraire de repli traverse une forêt remplie de lièvres effrayés par notre passage. Je suppose qu’ils ressentent la même panique que nous sur la bande d’arrêt d’urgence, mais le temps n’est pas à la compassion animale. Il est quasiment 22h, et nous sommes loin de trouver un coin pour bivouaquer.

Arrivés au village d’après, nous sommes fatigués et affamés. Nous optons d’un commun accord de mettre notre égo de côté et de nous replier sur un des nombreux hotels 1er prix de la zone. PH réserve donc une chambre à 40€ dans le Première Classe le plus proche. Pour une aventure loin de la civilisation, on repassera. Peu importe, car nous pouvons finalement réchauffer et dévorer nos pizzas, avant de nous écrouler sur le lit sans demander notre reste. Dire que nous n’avons même pas roulé 3h… Nous rattraperons demain.

Sortir de Paris (de nuit)

Jour 2 : Plaisir — Les Aspres

  • Distance : 125km
  • Temps d’effort : 6h15
  • Temps total : 9h30
  • Vitesse moyenne : 19.8 km/h
  • Vitesse max : 62.3km/h
  • Dénivelé : 800m
  • Calories dépensées : 3200 kcal
Départ du J2 devant le 1ère Classe

Le réveil sonne à 7h30, suffisamment tard pour nous permettre de rentabiliser nos lits d’hôtel. Nous sommes ravis de partir avec de la luminosité cette fois-ci, et sortons de l’agglomération pour avaler une barre Cliff dans un petit village en guise de petit-déjeuner. 20km passent, puis 40. Autour de nous, des champs ou des bois, dont la très appréciable forêt de Rambouillet. Les voitures sont rares, et le sentiment de liberté à se déplacer relativement loin avec tout son matériel est délicieux.

Des routes de campagne

Nous nous arrêtons à la boulangerie de Gû pour casser la croute à 11h, avant de repartir pour 30km. Nous dépassons officiellement les distances maximales jamais effectuées à vélo par PH et moi, respectivement 50 et 70km. Nous prenons une pause pour détendre les jambes commencent à chauffer, puis repartons de plus belle. Une autre barre Cliff est consommée à 90km, puis nous faisons quelques emplettes pour le dîner 5km plus loin.

Le cap symbolique des 100km est franchi non sans émotion, mais la forme entre en déclin à ce moment également. Nous avons passé la journée sous un ciel clément mais couvert, et les rares éclaircies -qui nous rappellent que nous sommes mi-août- nous font d’autant plus ressentir la fatigue.

Deux cyclotouristes concentrés

Dernière pause au kilomètre 110, et nous arrivons finalement aux Aspres, où notre premier réflexe est d’acheter 3 bières (à défaut de trouver un bar ouvert). L’aire de jeux pour enfants du village est l’emplacement parfait pour planter la tente. Il n’est que 19h, pourtant nous sommes épuisés — quoique ravis. Le cadre est tout à fait ravissant, nous disposons même de toilettes et d’un robinet. Nous ne ferrons pas long feu, car une longue route nous attend demain.

Quoi de mieux qu’une aire de jeux pour camper
Ça file droit vers l’Ouest

Jour 3 : Les Aspres — Ornes

  • Distance : 120km
  • Temps d’effort : 5h30
  • Temps total : 10h
  • Vitesse moyenne : 21.9 km/h
  • Vitesse max : 59 km/h
  • Dénivelé : 1100m
  • Calories dépensées : 3000 kcal
Départ sous la pluie

Malgré notre horaire de coucher raisonnable, la nuit n’est d’aucun repos. Les orages puis les pluies diluviennes s’enchaînent, de l’eau coule évidemment dans la tente, et les duvets 10°c sont définitivement trop chauds. Quand il faut se lever à 7h, j’ai l’impression de ne pas avoir fermé l’œil.

Le départ se déroule sous les mêmes auspices pluvieuses, nous mettons du temps à chauffer malgré les coupes-vent. L’arrêt boulangerie et son café chaud fond du bien au moral, et nous continuons ensuite avec plus d’entrain en dépit de la météo. Nous avançons bien. Autour de nous, de majestueuses forêts de sapins et fougères, dons les odeurs sont sublimées par la pluie. Le reste du temps, des champs et quelques vaches surprises de nous voir passer complètent l’image d’Epinal de la Normandie. À 12h30, nous avons déjà avalé l’équivalent du dénivelé de la journée précédente -et 65km, ce qui ouvre l’appétit.

On se croirait au Canada

Nous nous arrêtons donc dans le village de Carrouges dans le seul troquet ouvert, qui propose des spécialités non pas régionales mais… créoles (le Magouillât, je recommande). Nous profitons d’un copieux menu qui nous laisse un peu lourds, et l’averse qui se déclare à la fin du repas nous force à nous réfugier dans l’église du village. Nous y faisons la sieste en attendant que l’orage se calme, une aubaine.

Météo du matin / Météo de l’après-midi

Il pleuvote lorsque nous repartons, toujours sur de belles routes de forêt. Malgré mes efforts, mes cuisses ne me permettent pas de remporter une seule pancarte face à Louis. Nous faisons le plein de courses pour le dîner vers 90km, puis une pause chocolat chaud à Domfront au 105e. Plus que 15km pour dégotter un parfait emplacement dans le village des Ormes. On y trouve même une machine automatique à pizzas pour nous fournir l’entrée du dîner ! Un peu de discussions, quelques étirements, et c’est déjà l’heure de se reposer pour le lendemain. Si on roule bien, nous devrions atteindre l’océan pour le déjeuner. Espérons qu’il ne pleuve pas cette nuit.

PH devant le campement, Louis devant la machine à pizza
Toujours tout droit

Jour 4 : Ornes — Saint Malo

  • Distance : 109km
  • Temps d’effort : 5h40
  • Temps total : 9h50
  • Vitesse moyenne : 19.4 km/h
  • Vitesse max : 62.3 km/h
  • Dénivelé : 690m
  • Calories dépensées : 2800 kcal
Ravis de partir sans pluie

Bonne nouvelle : la nuit fut sèche. Le début de la journée s’effectue sous le soleil -normand tout de même, donc relatif. Le tracé topographique indique que nous avons passé le point culminant du voyage hier, pourtant l’alternance de courtes descentes et de bosses commence à se faire ressentir.

Paysage normand

Les petits bobos se font plus tenaces, nous nous arrêtons par des fois pour casser la croûte et se donner du courage. Malgré tout, on sent que l’on se rapproche du niveau de la mer, et pour cause : nous arrivons à l’océan !

LE VOILÀ

Nous apercevons le Mont Saint-Michel pour la première fois sur les coups de midi. J’avais oublié à quel point il est imposant, même de loin. Après une petite heure d’approche, nous pouvons déjeuner sur le pont qui fait face au monument, avec une vue ravissante. Ce n’est pas suffisant pour Paul-Henri, dont l’intégralité des muscles et articulations souffrent le martyre. Nous parvenons à le convaincre de ne pas rentrer, et il accepte vaillamment de rallier St Malo et son Decathlon au moins pour changer de selle.

L’après-midi est heureusement bien plus plat, d’autant que nous sommes officiellement passés en territoire breton, dernière région que nous traversons. Nous roulons sans encombre jusqu’au magasin, où nous nous équipons d’une couverture de selle, d’une bombe à froid, et de barres protéinées. Nous voilà parés pour finir les quelques kilomètres qui nous séparent de Saint Malo.

On reconnaît un bon cycliste à ses marques de bronzage / Pas malheureux d’être là

Nous arrêtons les chronos devant les remparts de la vieille ville, après 110km. Le cadre charmant nous fait oublier la fatigue, et nous décidons que cette soirée sera placée sous le signe de la détente. Nous nous offrons un cidre sur la plage, une cocotte de moules-frites, et une glace dans les ruelles médiévales.

St Malo c’est mignon, on faisait tâche en tenue de sport+claquettes

Repus, nous enfourchons nos vélos une dernière fois pour relier la Cité d’Alet à 2 km de là, sur les conseils de la serveuse du restaurant. Il fait nuit noire. Une fois sur place, nous rentrons sans trop nous poser de questions dans un camping ouvert aux quatre vents, y trouvons une place au fond pour planter notre tente en express, et nous endormons sur le champ.

Enfin l’océan !

Jour 5 : Saint Malo — Plouha

  • Distance : 114km
  • Temps d’effort : 6h10
  • Temps total : 11h40
  • Vitesse moyenne : 18.7 km/h
  • Vitesse max : 63.4 km/h
  • Dénivelé : 1200m
  • Calories dépensées : 3000 kcal
Les cyclistes à la plage

À peine réveillés, une agence de sécurité à l’air suspicieux avec son Doberman nous interroge sur notre heure d’arrivée dans le camping. Elle nous informe ensuite qu’elle se voit contrainte de nous faire payer la nuit, ce que nous comprenons parfaitement. Elle nous donne rendez-vous à 8h à l’entrée pour régler. Nous finissons de plier bagage pile à l’heure dite, et tombons sur ce qui semble être un autre accès au camping, juste derrière notre bivouac. Si seulement nous avions planté la tente 5m plus loin, derrière ce grillage… Il se trouve que le chemin descend sur la côte, et nous permet de nous échapper en catimini du camping. Nous rions longtemps de notre évasion tout sauf spectaculaire, il faut bien le dire. Après une viennoiserie et un café pour se mettre en jambes, nous voilà partis.

Autour de St Malo

Les villages côtiers que nous traversons sont absolument charmants. Dinard et St Lunaire notamment ont des airs désuets de station balnéaire d’une autre époque. Nous sommes chanceux, il fait beau ! Nous continuons de traverser de petits villages, en tombant parfois sur une vue océan fort agréable.

Nous nous arrêtons casser la croûte sur un terrain de foot, faute de mieux. À peine nous repartons que les gouttes se font ressentir. Le dicton dit vrai, il fait beau (et mauvais) plusieurs fois par jour en Bretagne ! Nous devons même nous abriter sous un abribus pour faire passer l’orage quelques minutes.

“Vous êtes contents des vacances les enfants ?” / Oui, c’est le même jour que l’autre photo

Nous arrivons tant bien que mal à St Brieuc, où nous nous offrons une longue -et gourmande- pause goûter. Le soleil revenant, nous prenons à nouveau la route. Une petite session de Gravel à Binic pour descendre sur la plage de la Blanche, et nous atteignons finalement notre destination pour la nuit : le petit village de Plouha.

Sundowner avant Plouha

Après un peu de vadrouille pour trouver un emplacement pour les tentes, nous poussons par hasard la grille du stade de la ville… qui s’ouvre, à notre stupéfaction. Que cela ne tienne, les bancs du terrain de l’amicale de boules nous serviront de table de dîner (conserves, saucisson et gâteau breton achetés plus tôt). Les abords du terrain sont parfaits pour installer les tentes sans abimer le sol, et nous passons ainsi une soirée parfaitement tranquille en jouant à domicile.

Le long de la côte

Jour 6 : Plouha — Morlaix

  • Distance : 95km
  • Temps d’effort : 5h
  • Temps total : 9h45
  • Vitesse moyenne : 19.1 km/h
  • Vitesse max : 64.8 km/h
  • Dénivelé : 1000m
  • Calories dépensées : 2500 kcal
Merci Jean pour le stade — Derrien

C’est le pénultième jour ! Nous avons beau nous relayer pour dormir seul dans une des deux tentes à tour de rôle, bivouaquer dehors ne nous permet pas de récupérer convenablement de nos journées d’effort. Il nous faut des kouign amann, du riz au lait, et deux grands cafés pour nous remettre d’aplomb pour la matinée. L’objectif d’aujourd’hui est moins ambitieux que d’habitude, nous devons “simplement” relier Morlaix, à 80km d’ici.

Des cafés et du beurre pour petit-déj / PH en pleine montée

Nous roulons tranquillement jusqu’au déjeuner pour se préserver. Le plus important est que nous arrivions au bout du périple ! Le bar de Plouaret et son menu ouvrier à 13€ (café compris !) nous enchante. Après 6km de route, je me rends compte que j’ai oublié mon bidon… Je m’élance donc en sens contraire le récupérer, pendant que PH et Louis progressent doucement en m’attendant. Je me presse d’effectuer l’allez-retour à toute berzingue, ça fait du bien de se dépenser !

À l’endroit où je retrouve mes compagnons, nous emportons la départementale qui longe la fameuse N12 du lundi soir. Une fois sur la double voie nous a suffit. Les bosses s’enchaînent ensuite. J’admets volontiers que mes victoires au jeu de la pancarte se font de plus en plus rares, Louis ne me laissant aucune chance.

Nous finissons par passer celle de Morlaix en fin d’après-midi. Nous y sommes accueillis par Juliette, première employée chez Cyrius, et ses amis. Quel sentiment étrange de retourner à une forme de vie sociale (douche incluse) après 5 jours d’ermitage.

Morlaix vu de haut

Nous passons une excellente soirée au bord du barbecue, mais ne tardons pas outre-mesure. Il reste 60km jusqu’à Brest demain, et le train démarre à 13h. Juliette nous offre le gîte avec trois matelas dans une chambre, qui nous paraissent come une suite de palace. À 23h, les lumières sont éteintes.

On a coupé court vers Morlaix

Jour 7 : Morlaix — Brest

  • Distance : 65km
  • Temps d’effort : 3h15
  • Temps total : 5h05
  • Vitesse moyenne : 20.1 km/h
  • Vitesse max : 60.5 km/h
  • Dénivelé : 600m
  • Calories dépensées : 1500 kcal
Les guerriers se préparent à 6h30

60km, c’est à la fois pas si long en vélo, et un beau morceau quand on en a déjà 600 dans les cuisses. Le réveil sonne donc à 6h pour nous laisser de la marge. L’horaire est brutal pour nos organismes exténués, mais nous nous mettons en mouvement tout de même. À 6h45, nous sommes en selle.

Il fait encore nuit, mais ça ne dure pas. Un magnifique lever de soleil nous motive malgré le dénivelé capricieux de bon matin. Enfin, ladite motivation dure jusqu’au moment où je mentionne le fait que le trajet serait encore moins agréable sous la pluie. Comme si le ciel m’avait entendu, les gouttes commencent à tomber. C’est bientôt sous l’averse que nous progressons tant bien que mal, en maudissant la versatilité du temps breton.

Louis au lever du soleil / Louis sous le déluge 1h plus tard

Heureusement que le croissant aux amandes divin du petit-déjeuner nous accorde un peu de force supplémentaire. Après un faux-plat descendant interminable, nous prenons aussi un café vers 10h. Il ne nous reste que 20km pour boucler le périple, mais nos douleurs associées à la météo maussade nous minent quelque peu le moral.

Un ciel vraiment… bas

Ce dernier s’améliore quand nous sommes en mesure d’effectuer le décompte des derniers kilomètres. 10, 9, 8, … Bientôt, ce ne sont que 4000 petits mètres qui nous séparent du centre-ville de Brest. Et là, c’est la délivrance : le fameux panneau dont nous rêvons depuis une semaine apparaît au détour d’une descente.

3 champions devant un panneau

Nous sommes très fiers d’immortaliser l’instant. Il ne nous reste qu’à trouver une crêperie aux abords de la gare pour une dernière bolée de cidre et une complète au sarrasin, et nous voilà à l’heure pour le TER.

Tout de suite le sourire revient, comme par hasard

Les TGV n’acceptant que les vélos en house, nous devons donc traverser la Bretagne et tout notre périple en sens inverse à petite vitesse (et avec trois changements) pour revenir à la capitale. Nous ne sommes pas très bavards dans les wagons, luttant -ou pas- contre le sommeil, mais la tête pleine de jolis souvenirs. Un chouette périple pour se déconnecter, avant de replonger dans l’effervescence parisienne. J’ai déjà hâte de la prochaine aventure !

Et le dernier pour la route

Résumé du séjour

  • Temps total d’effort : 34h en 7 jours (4h50/jour en moyenne)
  • Distance moyenne : 95km/jour
  • Vitesse moyenne : 19.5 km/h

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