Comment construire une licorne selon Peter Thiel

Achille Morin Lemoine
7 min readOct 27, 2020

La Bible de la Silicon Valley, en version courte.

Relire Zero to One est l’occasion pour moi d’en résumer -très- brièvement les concepts principaux, que je partage ici. Ça ne remplace évidement pas la lecture du livre, fortement conseillée à tout entrepreneur en herbe.

Pourquoi construire des entreprises technologiques ? Pour Thiel, seule la technologie pourra nous tirer de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement : “Propager d’anciens modes de création de richesses n’entrainera que la dévastation, pas l’enrichissement. Dans un monde aux ressources rares, la mondialisation sans technologie n’est ni viable ni durable”.

L’idée maitresse du livre est que pour construire une entreprise à un milliard, il faut penser à contre-courant (ou du moins par soi-même). Peter Thiel nous livre donc quelques vérités non-conventionnelles.

“Le monopole est la situation de toute entreprise qui réussit”

D’après ce principe, il faut absolument s’éloigner de l’idée selon laquelle la concurrence est bonne pour l’économie, car cette dernière pousse les marges des entreprises vers le bas. Toute entreprise devrait viser un monopole afin de pouvoir fixer son prix.

Cela ne signifie pas pour autant que les abus de position dominante soient bénéfiques pour les consommateurs, puisqu’ils devront payer un prix plus important. Cependant, pour qu’une entreprise atteigne les niveaux de croissance d’une licorne, elle doit viser la domination de sa niche afin d’être en situation d’imposer sa vision des choses, puis innover constamment pour rester en avance sur ses concurrents.

Concrètement, une start-up se doit de débuter son activité sur un petit marché : “il vaut toujours mieux pécher par excès de petitesse” car “il est plus facile de dominer un petit marché qu’un grand”. Ensuite, une fois leader de sa niche, elle peut se déployer sur des niches adjacentes (exemple parlant d’Amazon qui a commencé avec les livres en ligne avant d’offrir d’autres produits de divertissement, puis tous les produits et des services).

Parfois cependant, la confrontation avec des concurrents est inévitable. Quand cela arrive, “il vaut mieux se battre et vaincre. Il n’y a pas de moyen terme : soit on ne joue pas des poings du tout, soit on frappe fort pour l’emporter rapidement

Comment dès lors accéder à une situation de monopole ? Même si chaque entreprise qui réussit est unique, on peut dresser une liste des critère facilitant l’accès au monopole :

  1. Une technologie exclusive (au moins 10x supérieure à celle de ses concurrents) : souvent améliorer ne suffit pas, il faut disrupter complètement l’existant ou inventer du neuf. Par exemple, le paiement sur e-Bay a été rendu 10x plus efficace grâce à PayPal.
  2. Des effets de réseau : le produit est de plus en plus utile à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente (les réseaux sociaux démontrent bien cet effet).
  3. Les économies d’échelle : les entreprises sont plus ou moins affectées par les économies d’échelle selon leur secteur. Ainsi, une boîte de services en bénéficiera moins qu’un éditeur de logiciel.
  4. L’image de marque : très importante mais ne suffit évidement pas. Le produit sous-jacent doit être à la hauteur du branding.

À retenir : Il faut dominer une petite niche au départ et croître sur cette base, en suivant une vision de long terme ambitieuse.

Photo by Alex Motoc on Unsplash

“Vous n’êtes pas un billet de loterie”

Une autre idée majeure du livre est que l’on peut minimiser l’impact du hasard et maximiser la chance avec de la planification, du travail et de la volonté.

Thiel dresse le portrait de 4 visions du monde : optimisme défini et indéfini, pessimisme défini et indéfini (le chapitre est particulièrement intéressant d’un point de vue historique et philosophique, lisez le livre !). Selon lui, l’Amérique d’aujourd’hui vit dans l’optimiste indéfini, c’est à dire la certitude que demain sera meilleur mais sans savoir comment. À la différence des philosophies européennes (pessimisme indéfini) et chinoises (pessimisme défini), l’optimisme indéfini n’est pas viable, car le futur ne peut être amélioré si on ne fait rien pour le changer.

Il appelle le lecteur à croire en un optimisme défini, en construisant une société de demain meilleure que celle d’aujourd’hui, basé sur la volonté des individus d’influer sciemment sur le futur au lieu de l’abandonner à la “tyrannie du hasard”.

En prenant exemple sur la bulle Internet de 1999 ou celle des énergies vertes de 2008, Thiel démontre que surfer sur une tendance ne suffit pas pour créer de la valeur durablement, même si cette tendance s’avère exacte ou ancrée dans le temps. En effet, “seule un entreprise qui offre une solution supérieure à un problème […] précis peut gagner de l’argent”.

À retenir : La planification à l’échelle micro est essentielle pour tirer pleinement profit de l’échelle macro, et ainsi éviter de tirer à pile ou face quand la tendance s’essouffle.

Le pouvoir des extrêmes

On comprend en lisant Zero to One qu’on ne peut espérer construire une entreprise aux résultats aussi invraisemblables que ceux d’une licorne avec des procédés conventionnels. Voici quelques exemples des champs d’applications de ce pouvoir des extrêmes :

  • Les fondateurs des start-ups qui ont le plus de succès ne peuvent appartenir à la moyenne de la population : ils sont toujours extrêmes en quelque chose au départ, et l’aventure entrepreneuriale exacerbe cette situation. Selon le contexte, un entrepreneur est à la fois un marginal et un initié, un leader et un tyran, un millionaire (sur le papier) et un quémandeur de liquidités. Selon Thiel, la normalité n’a pas sa place dans l’univers impitoyable des start-ups les plus ambitieuses.
  • Cette mécanique s’étend également à la culture d’entreprise qu’une telle entreprise doit adopter. Les collaborateurs doivent être de véritables “conspirateurs” que l’on recrute pour construire sa propre vision du monde, à l’image d’une secte ou une mafia. À cet égard, “les entreprises créatrices des nouvelles technologies ressemblent plus à des monarchies féodales qu’à des organisations réputées plus modernes”.
  • Pour les investisseurs en capital-risque (Venture Capital), le sort d’une start-up est binaire : échec dans la majorité des cas, ou bien immense succès. L’idée est que très peu de start-up accèdent au statut de licorne, mais que ces dernières remboursent (largement) les 999 autres investissements infructueux. Ici la notion-clé est bien celle du risque, que les financiers veulent le plus calculé possible, mais qui est inhérent à ce type de business.

À retenir : Les extrêmes font partie du quotidien des entrepreneurs qui nourrissent de grands projets. Il faut en être conscient !

Autres idées résumées simplement :

  • Une entreprise qui réussit cherche à résoudre un “secret”, c’est à dire une opportunité que les autres ne perçoivent pas. Le plus souvent il s’agit de problèmes anodins (on ne pense pas que le problème existe, exemple-type : AirBnb) ou réputés impossibles (on ne cherche même pas à le résoudre, exemple-type : SpaceX).
  • La loi de Thiel : “Si une start-up repose sur de mauvaises fondations, c’est un défaut impossible à rectifier”. Le moment fondateur est crucial pour une entreprise, il est extrêmement important de fixer les bases précautionneusement en pensant sur le long terme.
  • Savoir vendre un produit est aussi important que la qualité dudit produit. Cependant, cela n’a pas non-plus davantage d’importance : personne ne fera confiance sur la durée à un produit bien marketé mais mal conçu. La vente est essentielle même pour les non-clients de l’entreprise : il faut savoir vendre un business-plan aux investisseurs, et une vision aux employés
  • La technologie est un outil pour l’Homme et non pas un concurrent. Les luddites se trompent donc de cible en affirmant que les machines vont nous remplacer, le destin de la technologie est de nous permettre d’être encore plus efficients.
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Les 7 critères auquel tout grand projet entreprise se doit de répondre :

  1. Ingénierie : Êtes-vous capable de créer une technologie de rupture au lieu d’apporter de simples améliorations successives ?
  2. Timing : Le moment est-il bien choisi pour lancer une activité comme la vôtre ?
  3. Monopole : Vous lancez-vous avec une grosse part de marché ?
  4. Personnel : Avez-vous la bonne équipe ?
  5. Distribution : Avez-vous les moyens non seulement de créer mais aussi de livrer votre produit ?
  6. Durabilité : Votre position de marché sera-t’elle défendable dans 10 ou 20 ans ?
  7. Secret : Avez-vous su cerner une opportunité unique que d’autres n’ont pas vu ?

Une majorité de réponses justes est suffisante pour atteindre le succès. À l’inverse, sans savoir répondre à ces questions, un entrepreneur s’expose au risque de “malchance”.

On peut résumer l’état d’esprit du contre-courant par 4 principes, que l’on retrouve plus ou moins subtilement dans les enseignements listés plus haut :

Il vaut mieux risquer l’audace que la banalité

Un mauvais plan vaut mieux que pas de plan du tout

Les marchés concurrentiels sont destructeurs de profits

Les ventes comptent tout autant que les produits

C’est déjà fini ! J’espère que cette rapide introduction au monde des start-ups vous donnera envie de lire le livre, qui reste une référence dans le domaine.

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